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FRANCOPHONIA
27 mai 2019

'Meurs, monstre, meurs' ou la navrante imbécilité des journalistes pseudo-cartésianistes français

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L'anthropologie occidentale, notamment sous l'influence française a fait beaucoup de mal dans son analyse des cultures du monde, beaucoup de mal, d'erreurs. En fait, non, l'emploi du mot 'erreur' ne convient pas car trop indulgent. Cela fait à peine vingt ans que les choses changent. Et qu'on se rend compte que lorsqu'une tribu amérindienne parle d'un serpent monstrueux capable d'hypnotiser les pêcheurs, ce n'est pas un allégorie mais quelque chose de réel pour cette tribu. Que le concept de métaphore ne s'applique pas ici. Si on ne refait pas l'histoire, on peut néanmoins en corriger les effets et aller de l'avant. En imposant leur propre vision de la réalité, leurs propres filtres de perception (qui n'ont d'ailleurs pas eu  que des conséquences heureuses en Europe même), les occidentaux ont fait beaucoup de dégâts sur la psyché des peuples colonisés. 
Ce qui est désolant c'est de constater comment une telle attitude de condescendance vis à vis de la réalité d'autrui perdure en 2019. 
Récemment est sorti le film 'Meurs, monstre, meurs' d'Alejandro Fadel, auteur de 'Les Salvajes' en 2013. 
Le pitch : Dans une région reculée de la Cordillère des Andes, le corps d'une femme est retrouvé décapité. L'officier de police rurale Cruz mène l'enquête. David, le mari de Francisca, amante de Cruz, est vite le principal suspect. Envoyé en hôpital psychiatrique, il y incrimine sans cesse les apparitions brutales et inexplicables d'un Monstre. Dès lors, Cruz s'entête sur une mystérieuse théorie impliquant des notions géométriques, les déplacements d'une bande de motards, et une voix intérieure, obsédante, qui répète comme un mantra : “Meurs, Monstre, Meurs”...
 
 
Mais alors pourquoi diantre nos chers journalistes français toujours plus malins que les autres s'acharnent à analyser le monstre  et autres étrangetés du film comme autant d'allégories sur  la peur de la peur, le monstre qui est en nous etc etc ? Pourquoi ces journalistes tiennent à préciser leur étonnement du traitement volontairement surnaturel de l'histoire par Alejandro Fadel ? Et pourquoi nos journalistes français sont-ils si bêtes pour décréter que le film perd sa crédibilité dès l'apparition du monstre ? 
 
Il y a des esquisses de réponses.La première, la plus visible  : l'absence totale de culture ufologique. C'est ce qui arrive quand on considère que le sujet ovni, complexe, n'est que balivernes venues des U.S.A. C'est ce qui arrive quand on considère que les lois de la physique sont gravées dans le marbre, circulez, il n'y a rien à voir. Combinez cette absence de culture ufologique à une méconnaissance de l'Amérique du Sud et vous obtenez les phrases suivantes :
 
- ' Un film de monstre parfaitement maîtrisé, jusqu’à l’apparition du fameux monstre dans les dernières minutes. Quand la source de terreur devient brutalement source de rires, tout s’effondre inévitablement.' A Voir à Lire
- 'Meurs, monstre, meurs" propose une réflexion sur l’angoisse de l’inconnu dans un monde en mutation où l’incompréhension est palpable.' Transfuge
- 'Un film qui donne à voir la bête tapie au fond de chacun de nous.' Le Monde
- 'La seule chose qu’on nous assène, c’est que la bête qui sévit n’est que celle que nous avons tous au fond de nous. Son apparition à la fin du film est un summum de ridicule.' Le Journal du Dimanche
- 'Je ne sais pas quel traitement médical a subi le metteur en scène, mais c’était pas le bon. Il faut qu’il fasse du macramé, pas du cinéma.' On frise le propos ordurier et c'est signé le Nouvel Obs (oui le Nouvel Obs, pas Minute ni Valeurs Actuelles)
Bref, autant de critiques à côté de la plaque à l'exception nette des Cahiers du Cinéma dont on comprend que s'ils n'ont pas aimé le film, ils ne se sont pas trompé sur sa nature : 'Une histoire de monstre, pompeuse et grotesque, s’y donne le triple apparat d’une fable philosophique, d’une série Z et d’un film contemplatif-chiant.' 'Meurs, monstre, meurs' est donc bien un film...de monstre. 
 
  
Sylvestre Picard de Première semble également avoir compris qu'il s'agit en effet d'un film sur l'irruption d'un extraterrestre dans un lieu donné (http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Meurs-monstre-meurs-Un-thriller-radical--Critique). S'il fait  le lien avec la littérature de Lovecraft, il n'est pas sûr que Fadel ait pensé à Lovecraft. Si la majorité des gens connaissent l'Argentine pour le Tango, la pampa, Buenos Aires et Maradona, ils connaissent moins la question des phénomènes étranges qui concernent l'intérieur de l'Argentine jusqu'à la frontière chilienne (et même dans les Malouines) dont Fadel s'inspire purement et simplement pour son récit : créatures monstrueuses apparaissant au milieu de nulle part, semblant venir de réalités autres, humanoïdes croisés sur les routes, mutilations animales (après les Etats-Unis, l'Argentine est le second pays au monde concerné par ces mystérieuses mutilations animales) Fadel en filmant des troupeaux fait un clin d'oeil à ces mutilations (et non une allégorie). Les personnes décapitées par un monstre ? Il ne fait que se baser sur des histoires affreuses d'êtres humains mutilés au Brésil et en Argentine et dont la mort a été classée non-résolue malgré parfois de longues enquêtes (morts qui survenaient après des observations d'ovnis dans les régions concernées). Les motards dans la nuit sont les fameux leurres des occupants d'ovnis : nous faire voir  des choses absurdes pour nous empêcher de voir des choses peut-être bien plus perturbante pour l'esprit humain. La dimension sexuelle du monstre lui-même n'est qu'un écho à la dimension sexuelle des enlèvements extraterrestres référencés pendant longtemps du nord au sud de l'Amérique, notamment à travers les témoignages des femmes.
 
Dans le fond Fadel peut se permettre d'aborder cela à travers le support film d'auteur. Il est argentin et même si les argentins ne sont pas plus crédules que les autres peuples, ils sont pragmatiques et n'ont pas décrété que ces histoires étaient de furieux bobards ou...des allégories. Si les argentins ont de l'humour, ce ne sont pas des plaisantins. Avec la dictature et les nombreuses crises économiques, ils avaient suffisamment d'histoires pour ne pas dormir la nuit, inutile d'en rajouter avec des Aliens. Et pourtant !
 
 Tout ce que risque Fadel  en Argentine c'est que des gens n'aiment pas son film car trop long, trop lent ou trop glauque. Evidemment il joue le jeu avec les journalistes français en leur sortant ce qu'ils ont envie d'entendre : le monstre est en nous etc etc. Et le journaliste français de se rendormir rassuré.
 
Mais  quiconque a vu le film (dont l'incroyable final) et a dans son esprit une certaine culture ufologique  comprend bien vite ...que le monstre existe en dehors de nous, qu'il a son existence propre et que nous serions bien imbus de nous-même de penser que ce que nous appelons monstre n'est que la projection de nos fantasmes intérieurs. L'histoire contemporaine de l'Amérique du Sud, notamment en Argentine et au Brésil regorge d'histoires de monstres mutilant hommes et animaux. Ce sont des histoires particulièrement horribles, extrêmement rares (vous avez plus de chance de prendre une balle perdue ou vous faire tuer à un feu rouge en bagnole, on vous rassure) mais elles ont laissé des traces dans l'esprit de beaucoup de gens. Que les journalistes français continuent à parler d'allégories, de métaphores (ratées pas ratées) si ça les amuse. Dans le fond c'est leur problème. L'ennui c'est qu'ils nous font perdre du temps. 

MEURS, MONSTRE, MEURS Bande Annonce (2019) Thriller, Fantastique

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